Reines et sorcellerie ne vont pas ensemble. Dans les livres et dans les films, les sorcières sont de méchantes femmes qui font obstacle aux jolies princesses dans leur quête d’une fin heureuse. Dans l’histoire de la royauté, la sorcellerie était un outil utilisé contre des femmes qui autrement seraient intouchables. Et plusieurs reines d’Angleterre se sont retrouvées accusées d’être des sorcières à des moments où leurs ennemis voulaient les détruire, elles et leurs maris royaux.
Il ne s’agissait peut-être que de la plus brève des mentions, mais attacher le mot « sorcière » à la réputation d’une femme royale était une manière de lui nuire. La sorcellerie était passible de la peine de mort et le moindre murmure concernant une reine ou une princesse pouvait suffire à déclencher l’érosion de sa réputation royale.
Il n’est donc pas surprenant de voir l’étiquette attachée à certaines des femmes les plus controversées de l’histoire anglaise pour porter la couronne d’époux. Et l’une des reines les plus connues du Moyen Âge était Isabelle d’Angoulême, décrite par le célèbre chroniqueur Matthieu Paris comme « plus Jézabel qu’Isabel ». Pour être juste envers Isabelle, elle a épousé un roi controversé. Mais l’épouse du roi Jean savait comment faire parler les langues et, à un moment donné, ceux à qui elle parlait murmuraient qu’elle était une sorcière.
Isabelle avait probablement environ douze ans lorsqu’elle épousa Jean en 1200, peu après qu’il s’était emparé du trône d’Angleterre à la mort de son frère, Richard Ier. Elle avait été fiancée à Hugues IX de Lusignan mais sa famille choisit une alliance pour elle avec le nouveau roi anglais à la place. Isabella a été décrite comme une véritable beauté, mais ce n’est pas seulement son apparence qui a séduit John : sa famille a été un outil très utile dans ses batailles françaises. Mais peu après son arrivée en Angleterre, la réputation d’Isabella fut attaquée.
Le roi Jean était plutôt attaché à sa jeune épouse et les chroniqueurs l’accusaient de l’avoir détourné de ses fonctions. Roger de Wendover affirmait que les problèmes de Jean en Normandie étaient en partie la faute de sa reine et que ce mot inquiétant du Moyen Âge apparaissait. Le roi Jean avait été distrait de ses campagnes normandes, affirmait l’écrivain, à cause de sa femme. Roger a commenté qu ‘«on disait qu’il était épris de sorcellerie ou de sorcellerie». Le roi était peut-être attaché à sa femme, mais les chroniqueurs de l’époque laissaient entendre qu’elle utilisait de mauvaises méthodes pour détourner son mari de son devoir.
La boue jetée sur son nom resterait. Isabella n’a jamais retrouvé sa réputation, mais elle n’a pas non plus fait grand-chose pour s’en sortir. Elle donna à Jean deux fils et trois filles et lorsqu’il mourut en 1216, après avoir perdu sa couronne à Wash, ce fut Isabelle qui offrit à son garçon de neuf ans, Henry, un cercle d’or pour son couronnement. Mais peu de temps après, elle épousa le fils de l’homme qu’elle avait abandonné pour devenir reine alors même que ce Hugh était fiancé à sa propre fille, Joan. Et elle a contribué à ce que les enfants qu’elle a eu avec son deuxième mari gagnent les faveurs de leur demi-frère royal, à tel point que les chroniqueurs l’ont noté en termes négatifs.
Isabelle, belle et fière, finirait ses jours dans les murs d’une abbaye – mais ce n’était pas un choix facile pour la fougueuse reine douairière. Elle s’y est enfuie pour éviter des ennuis et éventuellement d’autres accusations de sorcellerie.
En 1241, Isabelle et son deuxième mari durent jurer fidélité au frère du roi de France, Louis IX, et la mère du monarque traita son invitée comme une comtesse plutôt que comme une reine douairière. Isabelle aurait été furieuse et elle s’est lancée dans la formation d’une alliance contre Louis. Il y avait bien sûr bien d’autres raisons pour lesquelles Isabella et Hugh avaient choisi une voie aussi dangereuse, mais la personnalité de cette reine, dont le nom a été lié si tôt à la sorcellerie dans sa vie publique, a été très scrutée.
En 1244, deux cuisiniers arrêtés parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir empoisonné le roi Louis auraient avoué qu’Isabelle les avait payés. La reine douairière ne prend aucun risque et s’enfuit à l’abbaye de Fontevraud où elle restera jusqu’à la fin de sa vie. Cachée dans son sanctuaire, elle était à l’abri de ses ennemis et de leurs langues malveillantes. Elle y mourut le 4 juin 1246.
Sa réputation ne s’est guère rétablie au cours des siècles qui ont suivi. L’écrivain français William de Nangis a déclaré que le fait qu’elle ait été impliquée dans le complot visant à empoisonner Louis – qu’elle y ait réellement participé ou non – montrait à quel point sa personnalité était forte. Isabella était volontaire, déterminée et ambitieuse. Mais peut-être que son histoire montre aussi la facilité avec laquelle un terme comme « sorcellerie » pouvait être attaché à une femme royale qui se faisait des ennemis.