Le mardi 19 septembre 1893, la Nouvelle-Zélande voit le jour. La situation de la société, et plus particulièrement celle des femmes néo-zélandaises, ne sera plus jamais la même. Ce jour-là, elles sont les premières femmes au monde à avoir le droit de vote après une bataille incessante des suffragistes et des féministes de l’époque. Selon Françoise Thébaud, historienne spécialiste de l’histoire des femmes et du genre, coautrice des féminismes, une histoire mondiale (Textuel), l’obtention d’un droit est toujours le fruit d’une revendication et d’une mobilisation.
En l’honneur du 80e anniversaire de l’obtention du droit de vote des femmes en France ce dimanche 21 avril, nous reviendrons sur ces pionnières qui ont initié le mouvement dans ce petit pays d’Océanie à la fin du XIXe siècle.
Elles n’ont pas abusé de leur droit de voter. La demande commence dans les années 1880. Certaines femmes s’organisent alors, créent des associations suffragistes et vont bientôt revendiquer le droit de vote. Selon Françoise Thébaud, leur argument principal est que, tout comme les hommes, « elles participent à la prospérité de la colonie, sont concernées par la préservation de sa liberté et de ses institutions libres, et sont victimes de toutes les erreurs et fautes nationales ».
Outre l’égalité avec les hommes, ces féministes aspirent à apporter « des qualités qu’elles considèrent comme féminines dans la vie de la cité, telles que la lutte contre les maladies, la tuberculose, l’alcoolisme, la délinquance des enfants… », précise l’historienne.
Dans l’exploration du droit
Sur ce territoire qui est divisé en deux îles et qui ne compte qu’un million d’habitants, les féministes suffragistes ont dû faire des recherches acharnées, porte après porte, afin de trouver la moindre signature à inscrire sur les pétitions soutenant ce nouveau droit à conquérir. L’historienne met en évidence l’énergie déployée : se déplacer de maison en maison, faire face à l’hostilité de la part d’hommes et parfois de femmes.
Selon Françoise Thébaud, c’est seulement à la troisième tentative de mobilisation qu’elles parviennent à obtenir un succès avec 18 % de signatures de la population adulte féminine, ce qui est considérable. Un poids qui finit par faire reculer les députés. Le droit de vote est ouvert à toutes les femmes, autochtones ou issues des colonies (la Nouvelle-Zélande est alors une colonie de la Couronne britannique) et pour toutes les élections, par la loi du 19 septembre 1893. Il est important de souligner que le Parlement néo-zélandais est à l’époque majoritairement progressiste, et déjà favorable à cette ouverture citoyenne.
Les premières élections législatives des femmes ont lieu deux mois plus tard, le 28 novembre puis le 20 décembre. Selon Françoise Thébaud, les journaux mettent en évidence le fait que les femmes vont voter de manière massive. Cette avancée inédite fait écho à travers le globe.
En France, la presse s’en fait l’écho. Ce vote est, par exemple, perçu comme « un exemple concret du mouvement (…) en faveur de l’émancipation des femmes » dans Le Public. De plus, la publication souligne que les résultats de ces législatives révèlent que les « femmes ont pris en considération la personnalité plutôt que l’opinion publique des candidats ».
Selon Françoise Thébaud, les féministes ont célébré la victoire, tandis que dans le monde entier, les suffragistes ont célébré la victoire des Néo-Zélandaises. On connaît ces actions militantes à l’étranger car les féministes se rencontrent d’un pays à l’autre, car les journaux circulent et que les textes circulent. Elle ajoute que cette action est connue par d’autres militantes à travers le monde. D’autres vont bientôt prendre l’exemple du Néo-Zélandais.
